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Le généalogiste successoral

05 novembre 2020

 

 

 

 

 

Le notaire, officier public, dresse l'acte de notoriété établissant la preuve de la qualité d'héritier. Il lui incombe de vérifier les déclarations des successibles ou des proches du défunt. Compte tenu de l'évolution des styles de vie, de la grande mobilité géographique, de la complexité de certaines situations, il devient parfois difficile au notaire d'assurer sa mission pour l'identification des héritiers d'une succession notamment en ligne collatérale (frères, sœurs, oncles, tantes, neveux, nièces, cousins, cousines...) ou dans les familles recomposées. S'il est vrai que le règlement de la très grande majorité des successions ne pose aucune difficulté, des doutes peuvent surgir. En conséquence, après avoir épuisé toutes les démarches et recherches, le notaire peut se faire aider en mandatant un généalogiste pour identifier, localiser et lister les héritiers. Les moyens du généalogiste sont plus importants que ceux du notaire pour effectuer cette prospection.

 

La profession de généalogiste, qui n'est pas réglementée, a fait des efforts pour se structurer afin qu'il y ait un contrôle disciplinaire sur les membres qui manqueraient aux règles de déontologie. Le Conseil supérieur du notariat et l'Union des Généalogistes de France ont signé le 19 mai 2015, une convention de partenariat qui renforce et précise le cadre des relations entre notaires et généalogistes professionnels (la copie complète de cette convention est consultable sur internet).

 

Le généalogiste, professionnel libéral, mène des enquêtes qui peuvent le conduire en France, à l'étranger, aux greffes des tribunaux, aux archives municipales etc...

 

Le généalogiste n'a pas connaissance du patrimoine du défunt. Le secret professionnel du notaire est général et absolu.

 

Une fois les héritiers retrouvés, le généalogiste les contacte pour les informer de leurs droits dans une succession et leur proposer de signer un contrat dit de révélation de succession contenant deux stipulations essentielles :

  • engagement de révéler à son client de qui il hérite et dans quelle proportion ;
  • la rémunération du généalogiste (laquelle pose souvent des problèmes et devient source de contentieux).

Le généalogiste doit être vigilant sur le fond et la forme du contrat de révélation, car en son absence ou en cas d'annulation du contrat, le juge peut remettre en cause sa rémunération ou la réduire si celle-ci est excessive au regard des démarches accomplies. Les tribunaux s'appuient sur la durée des recherches, les difficultés rencontrées par le professionnel et le champ géographique d'investigation.

 

Ce contrat inattendu dit de révélation de succession peut désarçonner, il ne faut surtout pas le signer trop vite malgré l'envie d'en savoir plus. Il fait parfois l'objet d'abus ou tout simplement d'incompétence de la part de cabinets peu scrupuleux, c'est la raison pour laquelle des points essentiels doivent être scrutés (mandat, talon de rétractation, les coordonnées du médiateur en cas de conflit, frais de recherche, pourcentage pris sur la succession par le généalogiste en fonction de plusieurs critères : le degré de parenté, les services rendus par le généalogiste etc...). Prenez le temps de vous informer avant de signer le contrat de révélation, de même examinez le contenu de la procuration que le généalogiste vous proposera accessoirement au contrat pour procéder aux opérations relatives au règlement successoral. Il est envisageable de refuser certaines clauses de la procuration afin de pouvoir être acteur sur les décisions et il est possible de choisir son mandataire pour être représenté. Si vous ne signez pas la procuration, il sera nécessaire d'effectuer les déplacements chez le notaire lors des rendez-vous pour la signature des actes. Lorsque le dossier est complet, le notaire peut révéler le contenu exact du patrimoine du défunt.

 

Avant la signature du contrat de révélation, il est possible de se renseigner auprès de son notaire habituel ou tout notaire à sa convenance ou d'un avocat pour savoir si le contrat et la rémunération proposés semblent raisonnables au regard des pratiques habituelles et s'il connaît le généalogiste au moins de réputation.

 

 

Rétractation :

 

Le contrat de révélation de succession est un contrat soumis à la législation (et protection) sur le démarchage à domicile. L'héritier ainsi contacté, et qui a signé le contrat de révélation de succession, peut se rétracter dans le délai de 14 jours (article L221-18 du Code de la Consommation).

 

 

Annulation :

 

Passé ce délai, dans le cas où vous regretteriez d’avoir signé le contrat de révélation, il est possible de demander son annulation auprès du tribunal judiciaire. Toutefois, il vous faudra prouver que l’intervention du généalogiste était inutile, par exemple du fait de vos liens étroits avec le défunt ou avec certains de ses proches.

 

L'héritier peut aussi se tourner vers le médiateur de la profession pour résoudre son différend à l'amiable.

 

 

Clauses abusives :

 

La Commission des clauses abusives dans une recommandation du 20 septembre 1996 est intervenue pour faire retirer les mentions les plus déséquilibrées dans les contrats de révélation proposés par les généalogistes.

 

Donc, pas d'urgence pour signer le contrat, vous pouvez tenter de remonter vous-même la piste du défunt si vous avez une idée de son identité et trouver le notaire chargé de sa succession, notamment en interrogeant la famille proche.

 

 

Rémunération :

 

La rémunération du généalogiste représentant un pourcentage de la part nette recueillie par l'héritier ainsi identifié, après paiement des droits de mutation à titre gratuit (droits de succession) est négociable, car aucun barème légal ne l'encadre. Cette rémunération peut être discutée devant le juge afin que soit examiné son montant au regard des diligences accomplies et peut être réduite si elle est jugée disproportionnée.

 

 

Arrêt de la Cour de Cassation du 29 mai 2019 (n° 18-16.999) 1ère Chambre Civile :

 

En cas de gestion d'affaires, l'article 1375 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, n'accorde au gérant que le remboursement des dépenses utiles ou nécessaires qu'il a faites, mais non le paiement d'une rémunération, quand bien même il aurait agi à l'occasion de sa profession. Ainsi, une société de généalogistes, qui agit sur le fondement de la gestion d'affaires, n'est pas fondée à obtenir le paiement d'une rémunération lorsque l'héritier n'a pas signé le contrat de révélation de succession. Elle ne peut obtenir que le remboursement des dépenses utiles ou nécessaires exposées pour la recherche de l'héritier considéré.

 

 

Réaction de la profession à cet arrêt (sur son site internet ou dans la presse spécialisée) :

 

Le président de « Généalogistes de France » souligne une décision « inadaptée à la singularité de la profession ». Cet arrêt modifie la jurisprudence, mais n'apporte pas de solution juridique et pratique. Il pose des difficultés aux généalogistes, aux notaires et aux héritiers et peut paralyser ainsi le règlement de certaines successions.

 

L'arrêt ne concerne que les cas, peu nombreux, où le généalogiste et l'héritier identifié ne peuvent aboutir à un accord contractuel.

 

 

Conseils :

  • 1 - au moindre doute sur la démarche d'un généalogiste, il faut vérifier si celui-ci est membre d'un syndicat affilié ou titulaire d'une carte professionnelle, s'il dispose d'une assurance professionnelle en responsabilité civile et en garantie financière ;
  • 2 - vérifiez si le notaire a bien mandaté le généalogiste ;
  • 3 - ne signez pas sous la pression. Si vous avez signé trop vite, vous avez 14 jours pour vous rétracter ;
  • 4 - essayez de négocier les honoraires du généalogiste en fonction du degré de parenté et de la durée estimée de ses recherches ;
  • 5 - un généalogiste intervenant sur mandat du notaire ne demande jamais d'honoraires sous forme d'avance dans le cadre d'un contrat de révélation de succession ;
  • 6 - de plus en plus fréquemment, le notaire adresse directement leur part aux héritiers et le généalogiste est rémunéré par l'étude notariale sur présentation de sa facture d'honoraires.
  • 7 - adressez-vous à une association de consommateurs, celle-ci vous aidera à déterminer si votre contrat est valable et à évaluer vos chances de succès en cas de litige.

 

Adresses utiles :

 

Conclusion :

 

Certains parlementaires souhaitent que la rémunération du généalogiste soit encadrée par un barème. Le Ministère de la Justice ne donne pas suite à leur demande estimant que leur activité obéit déjà à des règles suffisamment strictes.

 

La pratique fourmille de cas particuliers imposant tant au généalogiste qu'à l'héritier de porter une grande attention aux documents contractuels mais aussi aux circonstances entourant la révélation.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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