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Hygiène des mains, des siècles pour s’imposer

13 novembre 2020

 

 

 

 

 

Réalisé pour le ministère de l’Instruction en 1898 sous le titre « L’école maternelle », ce tableau de Jean Geoffroy témoigne de la volonté d’enseigner le lavage des mains (détail).

 

 

 

D’abord se mouiller les mains. Puis mettre du savon. Frotter des ongles aux poignets. Rincer. Sécher sur un linge ou un essuie-tout propre, sinon à l’air libre. Ces indications publiées partout depuis le début de la pandémie de Covid-19 ont pu laisser perplexe : ignorait-on comment « bien » se laver les mains dans le « monde d’avant » ?

 

Pourquoi les écoles ont-elles semblé découvrir le « bon » geste ce printemps 2020, révélant au passage qu’elles étaient sous-équipées en savons mais aussi en lavabos ? Et quid des habitudes des adultes en la matière ? En 2016, 79 % des personnes interrogées déclarent se laver les mains après être allées aux toilettes, mais seulement 39 % après s’être mouchées et 25 % après avoir pris les transports en commun. La pandémie de Covid-19 a remis le lavage des mains en tête des gestes quotidiens prioritaires.

 

C’est pourtant un enjeu de santé publique majeur. Il existe depuis 2008 une Journée mondiale du lavage des mains, se tenant le 15 octobre de chaque année, sous l’égide d’un partenariat mondial. « Vaccin à faire soi-même », pour autant qu’on ait accès à de l’eau, le lavage des mains réduit l’incidence des maladies, notamment infectieuses, comme la diarrhée et la pneumonie.

 

« Les fatales particules cadavériques »

 

Récente, l’histoire de l’hygiène corporelle se situe au carrefour des histoires du corps, de l’habitat, de la politique, de la morale et de la médecine. Au Moyen Age, quand on se lavait les mains, c’était surtout par décence, explique l’historien Georges Vigarello. Aux XVIe et XVIIe siècles, lors des grandes épidémies de peste, l’eau a été bannie au profit de formes de « toilettes sèches », car elle était soupçonnée d’ouvrir dans la peau des « béances » aux maladies. Ce n’est qu’à la moitié du XIXe que la prévention fondée sur le lavage des mains commence à s’installer avec les travaux d’Ignace Semmelweis, « père des mesures antiseptiques ». En 1846, ce médecin hongrois étudie la fièvre puerpérale, responsable de plus de 13 % de la mortalité maternelle et néonatale à l’hôpital général de Vienne, en Autriche. Les soignants qui autopsient les cadavres des mères sont aussi ceux qui pratiquent les accouchements. « Ce sont les doigts des étudiants, souillés au cours des dissections, qui vont porter les fatales particules cadavériques dans les organes génitaux », déduit Ignace Semmelweis, qui assène : « Les mains par leurs seul contact peuvent devenir infectantes. » Il leur recommande donc de les laver cinq minutes à l’eau de chaux chlorée. Et le taux de mortalité chute. Ecrite quinze ans plus tard, sa théorie met du temps à s’imposer. Les médecins de l’époque croyaient encore à des contaminations par l’air ou à des déséquilibres métaboliques et peinaient à admettre qu’ils étaient eux-mêmes vecteurs d’infections.

 

Opération mains propres

 

D’autres travaux progressent alors, dont ceux de Louis Pasteur en France, qui découvre les maladies microbiennes, et du chirurgien britannique Joseph Lister, promoteur de la solution phéniquée sur les plaies. Dans un XIXe marqué par de grandes épidémies (tuberculose, choléra, syphilis, méningite), le mot « hygiène » ne qualifie plus la santé mais ce qui contribue à l’entretenir, souligne Georges Vigarello. Dans le Paris haussmannien, l’assainissement et l’accès à l’eau courante dans les habitations sont des évolutions importantes pour la promotion du lavage des mains.

 

A la fin du siècle, « l’eau efface le microbe » et le savon devient un outil de santé. Signe des temps, en France, le peintre Geoffroy représente des écolières se lavant les mains (voir illustration). « Voilà une des plus grandes règles d’hygiène : avoir les mains propres », déclare le médecin Jules Courmont dans son Précis d’hygiène de 1914. Le geste passe dans les mœurs, mais il faudra attendre les années 1980 pour voir émerger des directives ad hoc. On distingue cependant l’hygiène personnelle, avec de l’eau et du savon, de la désinfection par friction des mains avec des solutions hydroalcooliques en cas de soins et d’épidémie.

 

 

(Source : QUE CHOISIR SANTÉ – N°153 – Octobre 2020)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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