UFC Que Choisir Brest

EXPERT · INDÉPENDANT · MILITANT

 

 

 

Véhicules : La garantie des vices cachés

29 novembre 2020

 

 

 

 

 

Ces dernières années, une forme de litige est devenue récurrente. Les vices cachés sur les véhicules.

 

Le consommateur achète un véhicule, neuf ou d’occasion, mais après quelques mois ou quelques années d’utilisation, il se voit confronté à des pannes aussi surprenantes qu’onéreuses.

 

Une vanne EGR en défaut, un filtre à particule, un jeu d’injecteurs, ou un embrayage bimasse à remplacer, un réservoir de Cérine ou d’Adblue hors service, un « Start and Stop » qui ne fonctionne plus, lorsque ce n’est pas un moteur complet qu’il faut changer. Singulièrement, ces dysfonctionnements apparaissent à des kilométrages relativement faibles ce qui est d’autant plus étonnant.

 

La première réaction du consommateur est donc de s’adresser au vendeur. Et c’est à ce moment-là que le carnet de chèques du malchanceux commence à être sollicité.

 

En effet, tout commence généralement par un diagnostic électronique, plus ou moins fiable, qui est facturé entre 60 et 180 € selon les concessionnaires. Mais ce n’est hélas qu’un début.

 

Le devis de réparation, souvent à 4 chiffres, suit de peu. Et alors couramment, le vendeur, dans sa grande bienveillance, adresse une demande de participation financière au constructeur. Le consommateur n’aura « plus » qu’à payer 50 %, 60 % ou hélas, 100 % de la facture en fonction du bon vouloir du constructeur. Bien évidemment la main d’œuvre n’est pas comprise dans cette participation, si elle est accordée.

 

Mais c’est là où le bât blesse. Une telle pratique va manifestement en contradiction avec la loi. En effet, le vendeur, et lui seul, est responsable civilement des vices cachés pouvant affecter un véhicule et il ne doit en résulter aucun préjudice pour le consommateur ; à défaut, des dommages intérêts peuvent être réclamés.

 

Libre au garagiste de demander une participation du constructeur, mais cela doit rester une négociation entre professionnels. Le vendeur a obligation de prendre à charge la totalité des réparations, y compris la main d’œuvre, voire les frais consécutifs à l’immobilisation du véhicule, telle que la location d’une voiture de remplacement par exemple.

 

 

A ce stade, il convient de différencier deux garanties protégeant le consommateur.

 

La garantie de conformité qui est de 2 ans pour un véhicule neuf et de 6 mois pour un véhicule d’occasion. Pendant ce délai, la charge de preuve que le bien est conforme pèse sur le vendeur.

 

Passé ce délai, et jusqu’à 5 ans après l’acquisition, c’est la garantie pour vice caché qui peut s’appliquer, mais il revient à l’acquéreur d’apporter la preuve que le vice existait avant l’achat et qu’il était caché.

Par ailleurs, voici la définition d’un vice caché : « le vice est un défaut de la chose qui la rend impropre à l’usage auquel on la destine ou diminue tellement cet usage que l’acheteur ne l’aurait pas acquise ou n’en aurait donné qu’un moindre prix ».

 

Ensuite, le Code civil dispose que l’action doit être intentée par l’acquéreur dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice. Mais attention, cette dernière est circonscrite par le délai de prescription de droit commun qui est de 5 ans.

 

De fait, le vendeur est entièrement responsable de cette garantie pendant les 3 ans suivant la garantie de conformité, soit 5 ans après la vente. Ainsi, proposer au consommateur d’actionner la garantie du constructeur, pendant ce délai quinquennal, a été considéré par les tribunaux comme une pratique commerciale trompeuse, reposant sur les fausses informations données au consommateur visant à un glissement des garanties.

 

Les pratiques commerciales trompeuses peuvent être sanctionnées par 2 ans d’emprisonnement, 300 000 € d’amende administrative pouvant aller jusqu’à 10 % du chiffre d’affaires annuel.

 

Pour autant, il semblerait qu’orienter le consommateur vers le constructeur pour un vice caché, bien souvent identifié par des revues spécialisées, soit devenue une pratique courante.

 

 

Mais, tout bien pesé, quelles sont les causes profondes de ces litiges, les racines du mal pourrait-on dire ?

 

A priori, face à une concurrence pressante, les ingénieurs, chargés de la conception des véhicules, semblent rivaliser d’ingéniosité pour proposer aux consommateurs des améliorations techniques innovantes, innovations qui se doivent d’être rapides mais dont la rapidité de mise en œuvre s’oppose quelquefois à la qualité. Et comme il est prévisible en pareil cas, la fiabilité n’est pas toujours au rendez-vous, loin de là.

 

D’un côté, les concessionnaires, les vendeurs informés des défauts affectant les véhicules, ne veulent pas prendre à leur charge financière des erreurs de conception dont ils ne sont nullement responsables.

 

D’un autre côté, les constructeurs tentent de se dédouaner en lançant, à doses homéopathiques, des campagnes très discrètes de rappel, principalement sur des dysfonctionnements ne pouvant être passés sous silence tels que ceux relevant de la sécurité. Image oblige et surtout, dans la mesure où ils connaissent le risque, pour ne pas être confrontés à de médiatiques actions en justice pour mise en danger d’autrui par négligence.

 

Quelquefois, ils n’hésitent pas à opposer au consommateur le fait que les entretiens périodiques n’ont pas été effectués dans un garage agréé par la marque, nous rappelons que ceci est totalement illicite « lors de la période de garantie légale de 2 ans ».

 

Au demeurant, en ce qui concerne les maux affectant les véhicules, les probabilités de panne sont rapidement évaluées par les constructeurs. La conséquence stratégique étant que les défauts seront généralement passés sous silence et traités au coup par coup s’ils se présentent.

 

Et, in fine, c’est au consommateur que se voit confier le rôle du pilote d’essais, sans qu’il en ait conscience.

 

Les consommateurs chanceux ayant acheté une bonne série n’en seront pas affectés, les malchanceux, quant à eux, risquent fort d’être sacrifiés sur l’autel du profit.

 

 

(Source : Provence Conso septembre 2020)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

^